«T'es pas beau» me disait maman
«T'es pas beau, mais t’es craquant»
Ah, je sais je suis maladroit
Même que je me tiens pas droit
C’est parce que j’ai les bras trop grands
Ça m’attire vers l’avant
Mais je m’en fous, je suis craquant
À l'école
J'étais pas un crac
Mais avec les filles, zim boum crac
J'étais nul en math, en allemand
Mais dans le domaine du sentiment
Y paraît que j'étais craquant
À l’armée
J’avise un gars en arrivant
Et je lui raconte de but en blanc
Que je recherchais mon régiment
«Moi c’est Maurice, je suis l’adjudant»
Qu’il me répond
«Et d’ailleurs je devrais vous foutre dedans
Mais je le fais pas, je vous trouve craquant»
Ici, à l’Olympia
Le jour de mon engagement
Madame Coquatrix me dit très aimablement
«On m’a dit que vous aviez pas de voix
Paraît même que ça se voit
Je dirais même que ça s’entend
Puis vous êtes raide comme un bout de bois
Même un peu nonchalant
Vous vous foutez pas un peu de moi
De me demander autant d’argent?»
Alors moi du tac au tac je me reprends
Je dis «Peut-être que vous on vous entend
Mais moi, je suis craquant»
La fille qui m’a pris mon pucelage
Je me souviens plus à quel âge
Mais le reste je l’ai pas oublié
Ça se passait sous un peuplier
Il pleuvait à cause de l’orage
Il pleuvait même énormément
Elle avait retiré ses lunettes
Pour faire ça plus commodément
«T'es maigre comme une bicyclette»
Me glisse t-elle furtivement
«Mais de tout ça ne t’inquiète
Car je te trouve très craquant»
Cela va-t-il durer longtemps
C’est un problème
C’est un problème assurément
Quand on est à ce point craquant
On peut se dire mais, mais jusqu'à quand
Des fois, des fois j’aimerais retrouver maman
Pour qu’elle me dise tendrement
«T'es pas beau, mon Pierre
T’es pas beau, mais t’es marrant»